via poptronics
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Y a-t-il un folklore numérique ? Peut-on imaginer qu’un pays construise, plutôt qu’un musée du futur, un musée des arts et traditions populaires de l’informatique et des cultures numériques ? La proposition n’est pas si farfelue : Olga Goriunova, cofondatrice de la plate-forme runme.org dédiée au software art, avait lancé cette notion de folklore numérique le mois dernier au colloque « Programmation Orientée Art 2 », à la Sorbonne. Intrigué, poptronics a mené sa petite enquête.
La russe Olga Goriunova utilise la notion de folklore pour recontextualiser certaines pratiques des cultures logicielles et des utilisateurs plus ou moins avertis des ordinateurs. Elle n’est pas la seule à se pencher sur les différentes manifestations du patrimoine de l’informatique. La net-artiste russe Olia Lialina s’intéresse plus particulièrement à la culture populaire du webdesign, rassemblant et discutant ses éléments vernaculaires (avec ses deux essais illustrés « Vernaculars » 1 et 2). Elle examine aussi, avec Dragan Espenschied (moitié des rockers 8bit Bodenständig 2000), la façon dont le vocabulaire passe de la vie quotidienne au réseau et vice-versa.
Pour Olga Goriunova, créatrice du remarqué « parodyware » « Suicide Letter Wizard for Microsoft Word » (une macro de Word pour personnaliser des lettres de suicide), le folklore numérique est celui des programmeurs et des utilisateurs avancés de l’informatique ; il résulte de la façon dont ils se servent au quotidien des ordinateurs, que ce soit dans le travail ou dans la vie privée. Olga Goriunova met l’accent sur trois caractéristiques : la prise de conscience des utilisateurs des ordinateurs en tant que groupe, une tradition avec des rituels et des règles, et enfin des éléments typiques autour desquels se développent une myriade de variations.
Le développement des réseaux a permis l’essor de nombreuses formes de folklore, certaines déjà présentes et d’autres spécifiques à l’Internet : ascii art, détournements de technologies en tous genres, canulars, faux virus, messages cachés dans des produits commerciaux (appelés « œuf de pâques »), poèmes créés à base de code, etc. Des figures tutélaires se dégagent déjà, notamment celle du hacker, plutôt bien documentée, soit par les hackers eux-mêmes avec le « Jargon File » qui décrypte leur vocabulaire en donnant aux idiomes et éléments de folklore une grande place (contrairement à la version française qui est surtout un lexique informatique), soit par d’autres dans une approche plus historique, comme dans le cas du best-seller du journaliste américain Steven Levy « Hackers, Heroes of the Computer Revolution ». La figure du geek est plus récente mais très active sur le Net.
Olga Goriunova a cofondé en 2003 avec de nombreux artistes du code (dont Amy Alexander, Alex McLean et Alexei Shulgin qui s’en occupent au jour le jour avec elle) le site web runme.org qui, dès le début, a mis en avant le « folklore numérique » avec la catégorie « digital folk and artisanship ». Cette catégorie comporte à la fois des programmes déposés par leurs créateurs (comme « Angel & Devil » d’Eugenio Tisselli où un petit ange et un diablotin tentent malicieusement de dicter leurs conduites aux utilisateurs de Windows) et des « objets trouvés », gadgets et autres programmes rassemblés par les administrateurs du site (tel discomus.exe qui fait chanter au lecteur de disquette la chanson traditionnelle russe « Chizhik-Pyzhik »).
anne laforet | |
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